ACCUEIL TEMPORAIRE : montant de la contribution aux frais d’hébergement et d’entretien supportés par l’aide sociale départementale

Juin 26, 2020Droit des associations et des ESMS, Tarification

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Par un arrêt du 10 juin 2020, le Conseil d’Etat a dit pour droit que le Président du Conseil départemental ne peut fixer, à l’égard d’une personne adulte en situation de handicap bénéficiant d’un accueil temporaire en foyer de vie, un montant de participation aux frais d’hébergement et d’entretien qui excède le montant du forfait hospitalier journalier.

1. Les faits

La Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) accorde à une personne adulte en situation de handicap le bénéfice d’un accueil temporaire dans un établissement pour adultes handicapés, dans la limite de quatre-vingt-dix jours par an pendant une période déterminée. En application de la décision d’orientation, cette personne est admise en accueil temporaire dans un foyer de vie. Le Président du conseil départemental refuse la prise en charge des frais d’hébergement et d’entretien résultant de cet accueil temporaire et fixe la contribution de l’intéressé à la somme de 121,09 euros par jour.

2. La procédure

Le tuteur de la personne concernée saisit la Commission départementale de l’aide sociale (CDAS) mais cette dernière rejette son recours. Il interjette appel auprès de la Commission centrale d’aide sociale (CCAS) mais cette dernière ne fait pas droit à sa demande. Il se pourvoit alors en cassation.

3. La solution

Après avoir établi qu’un foyer de vie est bien un établissement médico-sociale au sens du 7° du I de l’article L. 312-1 du Code de l’action sociale et des familles (CASF),  la Haute juridiction rappelle le régime de l’action sociale départementale en matière de contribution aux frais d’hébergement et d’entretien, principe énoncé par l’article L. 344-5 : si ces frais sont à titre principal à la charge de la personne accueillie ou accompagnée, la contribution qui lui est réclamée ne peut faire diminuer ses ressources au-dessous d’un minimum règlementaire et le surplus doit être pris en charge par l’aide sociale départementale au titre de sa compétence en matière de handicap adulte.

Les juges du Palais-Royal rappellent ensuite les modalités sous lesquelles cette prise en charge par l’aide sociale départementale est assurée et la manière dont intervient la contribution aux frais d’hébergement et d’entretien, au visa de l’article R. 344-29 : tout adulte en situation de handicap bénéficiant, même temporairement, d’une prise en charge par l’aide sociale départementale pour un séjour en foyer de vie doit s’acquitter de sa contribution via l’établissement fréquenté. Le montant de cette contribution est fixé par le Président du Conseil départemental au moment de la décision de prise en charge, compte tenu des ressources du pensionnaire, afin que ce dernier puisse bénéficier de la garantie de ressources prévue par la loi. Lorsque cette personne a été admise au bénéfice de l’aide sociale départementale, cette dernière prend en charge les frais d’hébergement et d’entretien qui excèdent la contribution du résident.

Ces principes rappelés, le juge administratif entre dans la technique de tarification en se référant aux articles L. 314-8 et R. 314-194 et constate que la contribution aux frais d’hébergement et d’entretien ne peut excéder le montant du forfait journalier quotidien, soit en l’espèce 18 euros puis 20 euros. Pour confirmer cette analyse, il fait référence aux travaux parlementaires préalables à l’adoption de la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale : la représentation nationale a bien eu l’intention d’octroyer aux personnes adultes en situation de handicap accueilli en établissement une garantie de ressources. Dès lors, le Président du Conseil départemental a l’obligation d’apprécier si le niveau des ressources de l’intéressé, rapportées à la durée de son accueil temporaire, justifie son admission à l’aide sociale, en recherchant si l’acquittement du montant du forfait journalier hospitalier lui permettrait de conserver pendant la même période la disposition du minimum de ressources.

C’est pourquoi le Conseil d’Etat annule, comme constitutive d’un excès de pouvoir, la décision du Département et condamne ce dernier à 3 000 euros au titres des frais irrépétibles.

4. L’intérêt de l’arrêt

Le premier intérêt de l’arrêt est qu’il crée un précédent en matière de préservation de la garantie de ressources des personnes adultes en situation de handicap accueillies en établissement pour adultes. Ce faisant, il brocarde au passage l’attitude de certains Départements qui, confrontés à des difficultés budgétaires, tentent de les régler en s’affranchissant de la légalité, sanctionnant ainsi les personnes vulnérables qui dépendent de l’aide sociale. Le rappel de la loi vient ici au secours de la morale et réinstitue l’aide sociale dans sa vocation de solidarité.

Mais l’arrêt présente un second intérêt pour le lecteur attentif. En effet, le Conseil d’Etat mobilise explicitement les travaux parlementaires ayant abouti à l’adoption de la loi du 2 janvier 2002 pour éclairer le sens du Livre III du CASF. Si la référence faite par le juge au travaux parlementaires est classique en droit administratif depuis un arrêt d’Assemblée du 25 juin 1969 (Syndicat autonome du personnel enseignant des facultés de droit et des sciences économiques de l’Etat, n° 77905), s’agissant de ces dispositions du CASF c’est la toute première fois qu’une telle référence est formulée. Les plaideurs auront donc intérêt à se référer à ces travaux parlementaires, alors que le droit des institutions sociales et médico-sociales comprend de nombreuses marges d’incertitude et que l’œuvre jurisprudentielle à venir sera donc déterminante.

CE, 1ère & 4ème Ch. réunies, 10 juin 2020, M. A… c/ Conseil départemental de l’Allier, n° 425065

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