Conséquences fiscales d’une rémunération des dirigeants d'associations

Sep 1, 2015Droit des associations et des ESMS

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Maître Pierre NAITALI vous invite à consulter l’article qu’il a rédigé pour la revue TSA : Conséquences fiscales d’une rémunération des dirigeants d’associations.

 

  • Le problème posé

Directeur à la retraite d’une petite association gestionnaire d’un établissement et service d’aide par le travail (ESAT), je souhaite en devenir Président et être rémunéré à ce titre. Toutefois, les statuts juridiques ayant prévu une gratuité des fonctions de dirigeant, cela est-il possible ?  Le  versement  d’une  telle rémunération ne  remettrait-il pas en cause  le caractère désintéressé de la gestion de  l’association ? Et, sur le plan fiscal, cette dernière ne risque-t-elle pas d’être soumise à l’impôt sur les sociétés ?

 

  • Les solutions

La gestion dite « désintéressée » d’une association constitue le critère principal pour apprécier si cette dernière peut être considérée comme non  lucrative sur le plan fiscal et bénéficier, à ce titre, d’une exonération des  impôts frappant  les activités commerciales(impôt  sur  les  sociétés,  taxe  sur  la valeur ajoutée et taxe professionnelle).
L’administration fiscale a posé trois conditions cumulatives pour que  la gestion d’une association soit qualifiée de désintéressée :
• elle doit être gérée et administrée à titre bénévole par des personnes n’ayant elles-mêmes, ou par personne interposée, aucun  intérêt direct ou  indirect dans les résultats de l’exploitation ;
• elle ne doit procéder à aucune distribution directe ou  indirecte de bénéfice, sous quelque forme que ce soit ;
• et, enfin, ses membres et  leurs ayants droit  ne  doivent  pas  pouvoir  être déclarés attributaires d’une part quelconque de  l’actif, sous réserve du droit de reprise des apports.

Dans votre cas,  le versement d’une rémunération pour  l’exercice des fonctions de Président semble difficilement conciliable avec le principe du bénévolat. D’ailleurs, l’administration fiscale rappelle que les dirigeants d’une association à but non lucratif ne doivent pas être rémunérés. Toutefois, il existe des exceptions : l’une est légale et l’autre découle d’une tolérance administrative.

Une rémunération des dirigeants tolérée…

Sous certaines conditions, l’administration  fiscale  tolère  le  versement d’une rémunération à un dirigeant dès lors que son montant brut mensuel n’excède pas les trois quarts du Smic. Pour que le caractère désintéressé de la gestion ne soit pas remis en cause, l’association doit respecter des critères de transparence financière, d’adéquation de la rémunération aux sujétions des dirigeants, de plafonnement de la rémunération et de fonctionnement démocratique.

Pour que la transparence financière soit garantie, il faut :
• que les statuts de l’association prévoient explicitement la possibilité de rémunérer certains dirigeants ;
• qu’une délibération et un vote de l’instance délibérative statutairement compétente  fixent  le  niveau  et  les conditions de rémunération hors de la présence du dirigeant concerné. La décision de  l’organe délibérant doit être prise à la majorité des deux tiers
des membres de ce dernier ;
• que le montant des rémunérations versées à chacun des dirigeants concernés soit indiqué dans une annexe aux comptes de l’association ;
• qu’un rapport soit présenté à  l’organe délibérant par  le représentant statutaire ou  le commissaire aux comptes, sur  les conventions prévoyant une telle rémunération ;
• et, enfin, qu’une certification des comptes de l’association soit faite par un commissaire aux comptes.

En conséquence, si vos statuts stipulent que « les fonctions de membres du bureau sont gratuites », il ne sera pas possible de prévoir le versement d’une rémunération à un dirigeant, sans courir le risque de voir votre association soumise aux impôts commerciaux. Pour éviter cela,  il  faudrait modifier vos statuts et respecter l’ensemble des  conditions  évoquées  ci-dessus.
Outre la possibilité de rémunérer certains dirigeants, les statuts devraient notamment prévoir les modalités de fixation de  cette  rémunération, une annexe aux comptes  indiquant  le montant des  rémunérations versées aux   dirigeants et l’obligation de désigner un commissaire aux comptes dès lors qu’un membre du bureau est rémunéré.

… sous certaines conditions

En outre, pour être tolérée par l’administration, la rémunération du dirigeant doit être en adéquation avec ses sujétions. Elle doit être versée en contrepartie de l’exercice effectif par le dirigeant de son mandat, être proportionnée aux sujétions effectivement imposées aux dirigeants concernés et enfin, être comparable aux rémunérations couramment versées pour des responsabilités de nature similaire et de niveau équivalent. En outre,  le montant de l’ensemble des rémunérations versées mensuellement à chaque dirigeant, au titre des fonctions de dirigeant ou d’autres activités au sein de l’association, ne peut excéder trois fois le montant du plafond de la Sécurité Sociale, soit 9 258 € par mois en 2013.

Fonctionnement démocratique

Autre condition  indispensable : le fonctionnement démocratique de la structure.  Il est garanti, d’une part, par l’élection démocratique régulière et périodique des dirigeants et, d’autre part, par un contrôle effectif sur la gestion de l’association effectué par ses membres. Pour l’administration, l’ensemble de ces conditions exclut, par conséquent, de la mesure d’assouplissement de la notion de gestion désintéressée, les rémunérations versées à des salariés qui seraient dirigeants de fait de l’association. Dans ces situations, prévient-elle, « les conditions liées à  la transparence financière ne sauraient être remplies ». Qu’en est-il dans votre cas ? Il faut se référer aux attributions qui vous seront conférées en tant que Président. La dévolution des pleins pouvoirs pour administrer l’association risquerait d’engendrer une confusion entre les fonctions de Président  et  de  Directeur.  Or,  cela constitue, pour l’administration, une
difficulté pour reconnaître  le caractère désintéressé de la gestion. Pour éviter cela,  il faudrait que vos statuts marquent une différenciation claire entre les postes de Président et de Directeur en  listant, par exemple,  les actes qui relèvent de chacune de ces fonctions. De même, si vos statuts ont prévu de vous accorder un droit de veto sur les nouveaux adhérents, il conviendrait de  les modifier pour donner ce pouvoir au conseil d’administration qui est élu par les adhérents de l’association.

Prévoir des organes de contrôle

Pour que le fonctionnement démocratique de l’association soit assuré, il est nécessaire de prévoir des contre-pouvoirs et des organes de contrôle au sein de l’association. Tel peut être le rôle d’un Trésorier. Attention,  il ne faut pas confondre  le contrôle sur  la gestion effectuée par des organes de  l’association avec la mission légale de contrôle de  la sincérité et de  la régularité des comptes annuels du commissaire aux comptes.
Notons, par ailleurs, qu’il existe un autre type de contrôle de l’association qui mérite  d’être  souligné.  Il  est  exercé par l’Agence Régionale de Santé (ARS). Assurant  la gestion d’un ESAT, l’activité de votre association est réglementée c’est-à-dire que pour fonctionner, elle doit disposer d’une autorisation administrative et être soumise à un contrôle de  l’administration. De même,  le budget
de  l’ESAT est validé par  l’administration dans le cadre d’une procédure contradictoire au cours de laquelle la masse salariale est déterminée par  les services administratifs de l’ARS, qui valident ou refusent tout ou partie des salaires et des charges  sociales.  Dans le cadre du contrôle de la bonne utilisation des fonds,  l’ARS va notamment être amenée à regarder si les salaires et les charges sociales  correspondent  bien  à  des dépenses normales et nécessaires pour le service. Cela signifie, a contrario, qu’un dirigeant qui  se rémunérerait sur le compte d’un tel service pourrait voir cette dépense refusée par l’autorité administrative. Vous  pourriez  donc faire valoir cela auprès de  l’administration  fiscale  en  expliquant que votre situation peut profiter à tous. En effet, le fait de rémunérer un dirigeant à un niveau égal aux trois quarts du Smic au lieu d’un salaire normal d’un Directeur relevant de  la Convention Collective de 1951 représente pour la collectivité une économie certaine. Il serait utile de  communiquer à  l’administration l’organigramme de votre association démontrant que la rémunération du Président ne ferait pas double emploi avec celle d’un autre salarié. 

 

  • À savoir

Sous réserve de remplir les conditions ci-contre, l’article 261, 7-1°d du Code Général des Impôts (CGI) autorise une association ayant des ressources annuelles importantes à rémunérer l’un ou plusieurs de ses dirigeants, sans que le caractère désintéressé de sa gestion soit remis en cause. Elle peut ainsi rémunérer un dirigeant si ses ressources sont comprises entre 200 000 € et 500 000 €, deux dirigeants entre 500 000 € et 1 000 000 €, et trois dirigeants au-delà de 1 000 000 €. Attention, la rémunération allouée à chaque dirigeant ne peut pas dépasser trois fois le plafond de la Sécurité Sociale, soit 9 258 € par mois en 2013.

 

 

 

 

 

 

 

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